Par Galerie Lamy Chabolle
Mobilier et objet d'art des XVIIIe, XIXe et XXe siècle
Modèle réduit d’un temple par Luigi Valadier.
Albâtre transparente et fiorito, marbre rosso antico, bronze ciselé et doré.
Rome.
ca. 1780-1795.
h. 38 cm ; 42,5 cm avec socle en option.
Modèle réduit du portique tétrastyle d’un tempietto idéal d’ordre dorique romain, conçu et sculpté par Luigi et Giuseppe Valadier afin de garnir les célèbres surtouts de la fin du XVIIIe siècle. Ce tempietto, en tant que tel, est sculpté et décoré de bronzes dorés de chaque côté, comme tous les monuments réduits destinés à orner les grands surtouts de la fin du XVIIIe siècle.
Le surtout, ou Deser da Tavola, objet de luxe par excellence, était un ensemble de pièces sculptées ou taillées : médailles, sculptures et architectures miniatures, orfèvrerie — un musée miniature, destiné à orner le centre de la table des grands et des souverains.
Contrairement à d’autres œuvres du même genre et plus tardives, comme le Portique d’Octavie ou le Panthéon ...
... d’Antonio Chichi, ou comme les temples d’Héra à Paestum de Carlo Albacini, ce tempietto n’est pas la réduction stricte et méthodique d’un monument véritable. Il s’agit d’un temple imaginaire, d’une rêverie architecturale (Alvar González-Palacios) d’après l’antique, art dont Luigi Valadier était alors le maître incontesté à Rome.
Luidi Valadier, né à Rome le 26 février 1726, fils d’André Valadier, orfèvre français originaire du Gard, réalise, en 1778, au terme d’une déjà longue carrière d’orfèvre, les deux surtouts de Jacques-Laure Le Tonnelier, bailli de Breteuil, dont le second, racheté par Charles IV d’Espagne, alors prince des Asturies, demeure probablement son plus grand chef d’œuvre d’art décoratif. Luigi Valadier a en réalité conçu plusieurs ouvrages du même genre : le support d’un surtout pour les Borghèse en 1772, un surtout pour l’Archiduc Ferdinand d’Autriche en 1780, un autre en 1783, le superbo Deser ayant fait grand bruit à Rome, cette fois pour l’obscur duc Braschi, neveu du Pape Pie VI ; un autre encore, pour l’ambassadeur du Portugal à Madrid en 1784.
Le surtout Braschi fut volé par les révolutionnaires ; emballé, probablement fort mal, et expédié à Paris en février 1798 ; il a subi de nombreux dégâts, et une bonne part des portiques, colonnades et temples qui l’ornaient ont été détruits ou perdus.
Ce tempietto tétrastyle d’ordre dorique romain, dont le chapiteau est sans doute inspiré des colonnes des thermes de Dioclétien, est un élément de surtout qui se rattache, du point de vue de la composition, à un élément d’un surtout d’un du Circus Maximus idéal réalisé par Luigi Valadier après 1778. Cet élément est lui aussi décrit par Alvar González-Palacios comme un tempietto : un portique tétrastyle, d’un ordre cette fois ionique, mais toujours fantaisiste. Quatre colonnes, donc, en pierre dure, à la silhouette marquant l’entasis, à la base et au chapiteau en bronze doré. La frise est ornée de guirlandes, habitude typique de Luigi Valadier. Les côtés de la corniche sont décorés d’une rosette.
Un autre élément, cette fois appartenant au second surtout du bailli de Breteuil, présente une forte similitude avec notre temple : un simple monument à quatre colonnes, à la composition et aux ornements idéaux, comme le nôtre. Ces deux monuments ont en partage l’entablement en albâtre ainsi que la sculpture et la modénature des colonnes : le tore, finement sculpté à la base du fût en pierre dure, rencontre le tore bronze doré sans scotie ; la colonne marque l’entasis, un léger galbe ou renflement, initialement conçu par les architectes grecs pour affiner la silhouette des colonnes ; quant au chapiteau en bronze doré, l’échine est ornée dans les deux cas d’une rosette.
Du point de vue de la matière, en revanche, il se rapproche plutôt d’une paire d’exèdres, conçue par Luigi Valadier pour le second surtout du bailli de Breteuil, devenu celui du roi Charles IV d’Espagne et désormais exposé au Palacio Real de Madrid. Les colonnes, sculptées dans le même albâtre, marquent la même entasis ; ces exèdres étant hautes de 33 cm selon le catalogue de l’exposition Luigi Valadier : Splendor in Eighteenth-Century Rome, ont une hauteur à la corniche très proche de celle de notre temple, celui-ci étant haut de 38 cm avec son tympan, soit 32 cm à la corniche.
On sait par ailleurs que la gamme de couleurs et le choix de pierres ne tranche pas avec les habitudes des Valadier. L’une des plus grandes commandes faites à ces ateliers, celle d’un surtout destiné à Marie-Caroline d’Autriche, reine de Naples, conçu par Giuseppe Valadier et Carlo Albacini sous la direction de l’architecte et archéologue Domenico Venuti, rassemble, tout comme notre temple, un entablement en albâtre transparente, un tympan en rosso antico et des colonnes en albâtre fiorito.
Traces discrètes de restauration sur le marbre.
Provenance
Antichità Alberto di Castro
Sources
Alvar González-Palacios, « Biography of the Valadier Family », dans Valadier. Three Generations of Roman Goldsmiths, Londres, 1991.
Alvar González-Palacios, dans Luigi Valadier au Louvre ou l’Antiquité exaltée, Paris, 1994.
Isabelle Tamisier-Vétois, Jean Vittet et Marie-France Dupuy-Baylet, dans De Bronze et de pierre dure. Un cadeau espagnol à Napoléon, Dijon, 2013.
Alvar González-Palacios, I Valadier. L’Album dei disegni del Museo Napoleonico, Rome, 2015.
Henri William Pullen, Manuale dei marmi romani antichi, Rome, 2015.
Alvar González-Palacios, Luigi Valadier, New York, 2018.
Geraldine Leardi, Valadier. Splendore nella Roma del Settecento, Pérouse, 2019.