Importante Commode par J.B. TUART, époque Louis XV

... dorés au mercure ; cependant il n’a pas voulu surcharger la commode comme c’est parfois le cas avec des bronzes à l’intérieur des volutes, souhaitant mettre en avant le superbe travail de marqueterie (découpage, gravure et mise en teinte).

La commode est haute sur pieds et ouvre à deux tiroirs dits « sans traverse ». Ce principe novateur consistait en la construction ingénieuse des tiroirs qui viennent recouvrir et cacher les traverses, de manière à pouvoir réaliser un « panneau » en marqueterie sur l’ensemble de la façade. Derniers cris de cette époque Louis XV, ces modèles beaucoup plus consommateurs de temps de fabrication, étaient réservés à une clientèle proche de la cour ou à de très riches commanditaires qui souhaitaient des meubles plus décoratifs que d’usage : la disparition du tiroir inférieur ainsi que les galbes ventrus et prononcés des cotés réduisent le volume de rangement ; l’élégance et la légèreté du meuble est en revanche sans égal, avec une façade plus ramassée que l’arrière, et une ligne de pieds élancée qui exacerbent les volumes.

Le marbre d’origine est une superbe « brèche d’Alep ». On les faisait venir de Syrie, puis d’Italie quand les veines furent épuisées. Avec le « Portor » et la « Griotte », la brèche d’Alep était l’apanage des plus beaux meubles à l’époque Louis XV et sous la transition, beaucoup plus appréciée et couteuse que les marbres classiques blancs ou gris. Les bronzes, tous d’origine également, ont conservé leur dorure au mercure. Nous avons constitué un dossier numérique de restauration dont les images montrent que pour une fois, l’absence de nettoyage malencontreux a permis la conservation de la dorure retrouvée intacte.

La commode est estampillée Jean-Baptiste Tuart, maitre en 1741. La production de cet ébéniste est aussi rare que soignée. Tuart travailla dans le cloitre de Saint Germain l’Auxerrois, et fournit entre 1744 et 1753 les Menus-plaisirs du roi Louis XV qui organisaient les cérémonies et les spectacles de la cour. Il travailla avec les plus grands de son époque, Roussel, Migeon et Boudin. Parmi les meubles de sa facture conservés dans les musées, notons un petit meuble formant bureau de pente, dont la marqueterie n’est pas sans rappeler celle de notre commode, et qui est conservé à Paris au musée des Art décoratifs.

Notre commode porte l’estampille de Tuart et le poinçon de jurande (JME) sur le montant avant droit. Elle porte également un numéro d’inventaire 69302 08, à l’encre sur une planche du dessus de la commode.

Ce meuble a fait l’objet d’une restauration complète de très haute qualité qui a nécessité 500 heures de travail. Le bâti a été entièrement déconstruit puis recollé. Par souci de conservation, la marqueterie a été déposée pièce par pièce, restaurée et remise en place avant un vernis au tampon. L’état de conservation est très bon, la marqueterie manquante et reconstituée n’excédant pas 5%. Le bâti est d’origine dans sa totalité. Il n’a été entrepris sur cette commode que des restaurations d’usage et d’entretien.