Le premier atelier de Moustiers, petite ville du département des Basses-Alpes, fut fondé, au milieu du XVIIe siècle, par une famille marseillaise - Les Clérissy, qui depuis longtemps comptait parmi ses membres des céramistes d'une rare habilité. En 1618, Anthoine Clérissy, de la ville de Marseilles, était attaché à la personne du roi et travaillé pour 'donner plaisir à Sa Majesté'.
Il recevait pour ses gages 600 livres, somme considérable pour le temps. Il n'est pas surprenant qu'entre les mains d'une telle famille, la faïence de Mousiters ait rapidement atteint un grand degré de perfection, et que la finesse de sa pâte, la beauté de son émail, l'originalité de son décor lui aient permis de prendre une place au premier rang, immédiatement après les produits de Rouen et Nevers. On ignore le prénom du premier des Clérissy qui s'établirent à Moustiers.
Son fils Pierre, mieux connu, dirigea la fabrication de 1686 à 1728. Un neveu, qui était en même temps son filleul, succéda à Pierre Clérissy et fut anobli pour Louis XV en 1743. Nommé plus tard secrétaire du roi , en sa chancellerie près le Parlement de Provence, Pierre II Clérissy, seigneur de Trévans et de Saint-Martin d'Alignos, céda sa fabrique à un habile décorateur, Joseph Fouque, qui n'occupait pas moins de Vingt-deux peintres. C'est de cette faïencerie que sont sortis les principaux ouvrages de Moustiers, qui sont, encore à l'heure actuelle, l'honneur de collections publiques et privées.
Plat MOUSTIERS à décor BERAIN - XVIIIème siècle
Faience de Moustiers
A la mort de joseph Fouque, la direction de la manufacture passa entre les mains de Chaudon, qui la lança dans des voies inexplorées. Jaloux d'étendre le rayon de ses affaires, Chaudon s'efforcça de créer des débouchés nouveaux, pour pouvoir donner à sa production un plus grand essor, Cet industriel voyagea par toute la France et vint même à Paris, ou il chercha à éveiller la sollicitude des amateurs, par des réclames insérées dans les journaux du temps.
Il est à croire, au surplus, que cet appel fut entendu, car un an ne s'était pas écoulé, que, pour répondre aux demandes sans cesse renouvelées des amateurs, le directeur de la fabrique de Moustiers établissait un dépôt rue Saint-Honoré. A ce moment, la production de cette faïencerie était des plus variées. On trouvait, en effet, à ce dépôt toutes sortes de vaisselles, "comme plats, assiettes, pots à l'eau, jattes, saucières, moutardiers, tasse à caffé, à thé, soucoupes, seaux, huiliers, saladier, terrines, sucriers, etc." Dès cette époque, cependant, la décadence se faisait déjà sentir, et le décor n'avait plus l'ampleur et la beauté qu'on admirait au siècle précédent.
Au début, en effet, les peintres de Moustiers, en s'inspirant des beaux dessins d'Antonio Tempesta, reproduits par eux avec une rare maestria, et dans un camaïeu bleu d'une douceur charmante, avaient enfanté des ouvrages d'un très grand caractère et d'une allure peu commune. Les plats ronds, représentant des chasses aux bêtes féroces, exécutées d'aprés ce maître, constituent de véritables oeuvres d'art. Plus tard, quand la fabrication prit un certain développement, la décoration changea de caractère. Demandant ses modèles à Berain et à Claude Gillot, elle s'exerça à distribuer des figures allégoriques au milieu de grotesques d'un goût rare. Cette seconde phase est encore monochrome. C'est toujours le bleu qui en fait les frais. Avec la troisième, la polychromie entre en scène, mais une polychromie veule, lavassée, chlorotique, sans vigeur et sans accent, représentant de petits médaillons entouré de guirlandes de fleurs, ou la correction et la finesse du dessin ne rachètent pas la fadeur du coloris. A cette même époque peuvent se rattacher les plats à armoiries et ces vaisselles à geux, à mendiants et à vagabonds de toutes sortes, dont la haute fantaisie fait penser à Callot.
Comme on le voit, les faïencerie de Moustiers subirent à peu près la même fortune que leurs concurrentes de Rouen et de Nevers. Leurs produits, qui, en 1745, étaient jugé dignes de prendre place sur la table de Mme de Pompadour, abdiquèrent, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, leurs principales qualités décoratives. La décandance, un instant retardée par des maîtres de valeur, comme Oléry et Hycinthe Roux, alla bientôt en s'accentuant. En 1789, Moustiers comptait encore douze faïenceries en pleine activité. A la fin du siècle, une seule suffisait aisément à touts les commandes.
Spécialiste de la faïence de Moustiers:
Galerie Orely's