Par Antiquités Philippe Glédel
Mobilier XVIIIe parisien et régional, dont meubles de port.
(Nous serions curieux de savoir ce que ce serait exclamé André-Jacob Roubo, lui qui, nous dit-on, plaçait l'ébène au premier plan des bois exotiques, face à cette commode : très rare, étonnante, impressionnante, exceptionnelle... A coup sûr toute toute la gamme des adjectifs dithyrambiques y serait passée.)
Très exceptionnelle commode de port fabriquée dans des bois ramenés à la fois d'Orient et des Antilles et combinant quatre bois précieux : l'acajou, le satiné, le palo Santo, l'ébène et enfin et principalement un cinquième bois qui figure parmi les deux ou trois plus rares et plus précieuses essences au monde : l'ébène Royale.
Aucun autre meuble de port français fabriqué à partir de l'ébène Royale ne nous est connu (pas plus que de meuble de port mariant comme ici cinq bois précieux) . On n'en trouvera pas davantage dans des ouvrages traitant du sujet.
Cinq bois exotiques en massif, dont voici la liste, composent donc cette commode : Palo ...
... Santo du Brésil - Acajou de Saint-Domingue - Satiné rubané de Guyane - Ébène noire de Ceylan - Ébène Royale des îles Andaman et Nicobar.
Le palo Santo du Brésil.
Ce bois odorant aux propriétés médicinales de la famille des gaïacs tire son nom de "bois sacré" de son utilisation par les chamans incas lors des cérémonies. De couleur brun tirant sur le noir sur fond de veines jaunes, ce bois résistant aux xylophages est aussi nommé "quebracho" (qui brise) en Amérique de Sud en raison de sa dureté, tant à l'abattage qu'au sciage. A noter que l'occasion de le voir de fil tel qu'ici est rarissime (en raison de sa très forte résistance au débit ce bois ne se prête quasiment qu'au tournage).
L'acajou de Saint-Domingue.
L'acajou utilisé pour la fabrication de la majeure partie des meubles de port de qualité est le Saint-Domingue. C'est de très loin le plus beau des acajous, un bois précieux de couleur brun rouge, très durable et résistant aux xylophages. Il est considéré comme l'un des meilleurs bois au monde. Le Saint-Domingue est en outre le seul acajou à présenter parfois une figuration mouchetée.
Le satiné rubané de Guyane.
Débité sur quartier, ce bois précieux et odorant de la famille de l'amourette, également parfaitement durable et résistant aux xylophages, est de couleur brun rosé à rouge et présente un contrefil bien marqué qui lui confère un beau rubanage avec des surfaces radiales qui accrochent la lumière. Comme l'acajou moucheté et l'ébène, ce bois fut couramment utilisé en placage par les meilleurs ébénistes de la capitale. On le rencontre très rarement en massif.
L'ébène de Ceylan.
C'est l'ébène des Indes, le bois précieux par excellence employé par A. C. Boulle, dite ébène noire ou calamander, en provenance de Ceylan, la plus belle des variétés d'ébène noire, qui se distingue de celles de Macassar et de Madagascar, du Gabon ou du Mozambique. Bois très lourd et très dur, au grain fin dont le cœur est d'un noir profond avec présence de petites "lunes" rousses. Rappelons que l'emploi de l'ébène en massif est rare, y compris dans les meubles de port.
L'ébène Royale des îles Andaman et Nicobar.
Ce bois extraordinaire est davantage connu sous le nom d'ébène Royale du Laos (trop souvent mal orthographié "ébène Royal") Diospyros malabarica, mais celui qui nous intéresse ici, Diospyros marmorata, est d'une variété plus rare encore provenant des îles Andaman et Nicobar, deux îles situées au large oriental de Ceylan.
Son bois parfait (ou bois de cœur) est marbré de noir. Presque inconnu en France il fut utilisé par les anglais qui le nommèrent Marblewood. On doit cependant bien se garder de faire la confusion avec son parent proche, l'ébène de Macassar (Diospyros celebica), ainsi qu'avec d'autres bois à duramen plus ou moins sombre tels que le bois serpent, le gaïac ou encore et surtout le muiracatiara, bois dont dont la rareté ou le prix sont sans commune mesure avec celui de l'ébène Royale.
Notre commode ouvre par trois larges tiroirs sur trois rangs en palo Santo intercalés de traverses en ébène de Ceylan et est couverte d'un plateau à cadre composé d'un rare et complexe parquetage principalement animé de larges traverses en ébène Royale sur fond d'acajou (certaines parties mouchetées ou pommelées) avec deux alaises en satiné rubané. Les quatre montants, décreusés de moulure et ponctués de pieds à volutes, sont également en ébène Royale, les deux montants antérieurs présentant les plus belles figurations, et de même pour les quatre panneaux des côtés intercalés de traverses en ébène de Ceylan.
Les tiroirs sont ornés de poignées de tirage et entrées de serrures Louis XV en laiton ciselé et doré. Il s'agit de la garniture d'origine. Chacun des tiroirs est doté d'une serrure en fer avec une clé pour l'ensemble.
Les caissons de tiroirs sont en aulne et le dos en sapin, ces bois de second emploi choisis pour leur légèreté, et on remarque l'absence de planchers intermédiaires, ceci très probablement pour ne pas augmenter encore le poids de ce meuble, se rapportant pour 90 % de sa composition aux trois bois les plus lourds au monde. En effet si l'acajou est réputé comme un bois pesant, sa densité se situe seulement entre 0,73 et 0,76, tandis que les gaïacs, les ébènes et les satinés comptent parmi les seuls bois dont la densité est supérieure à 1 (entre 1,17 et 1,33 pour les gaïacs, certainement le bois le plus lourd au monde, entre 0,95 et 1,10 pour les ébènes d'Asie, bois moins lourds toutefois que ceux d'Afrique qui sont les seuls à approcher la densité du gaïac, entre 1 et 1,10 pour les satinés, bois dont on ignore généralement le poids du fait de sa méconnaissance en massif).
Nous insisterons sur le fait que cette commode est un meuble absolument extraordinaire et unique, tel un "ovni" parmi le mobilier portuaire, et qu'elle est la résultante de plusieurs tours de force : d'avoir débité de larges planches à partir d'un madrier de gaïac (qui n'est pas des moindres pour l'époque et ne le serait d'ailleurs pas moins aujourd'hui), d'avoir réuni quatre bois provenant à la fois des Amériques et d'Asie parmi les plus précieux pour mettre en écrin le "Graal" des bois exotiques, l'ébène Royale, et enfin d'avoir ramené de celle-ci d'aussi larges et beaux plateaux de bois parfait.
Très bel état d'origine des bois, plateau, façade et côtés. Le meuble entièrement revu par notre menuisier (parties intérieures) puis par notre ébéniste (parties extérieures), avec une rare et superbe finition en poli-ciré. Un mot sur le poli ciré, puisqu'il s'agit d'une pratique décrite par Roubo mais quasi abandonnée depuis le XVIIIe siècle, et qui consiste à polir le meuble à l'aide d'un tampon de prêle ou (et) d'un "chien". Aucune matière n'est déposée sur le bois, ni cire ni vernis, si ce n'est juste de "l'huile... de coude". De ce fait, nul reflet lumineux indésirable sur le meuble qui conservera son bel éclat sans nécessiter d'entretien par la suite.
Meuble de commande.
La Rochelle, seconde moitié du XVIIIe siècle.
Conditions générales de livraison :
Pour tout objet ou meuble à partir de 5.000 euros, nous livrons nous-mêmes gratuitement partout en France (et parfois même au delà), il y a possibilité d'obtenir cette même prestation pour des pièces de moindre valeur suivant la destination et le délai.
Retrouver le mobilier ou les objets d''art similaires à « Commode en ébène Royale - La Rochelle XVIIIe » présenté par Antiquités Philippe Glédel, antiquaire à Fougères dans la catégorie Commode Louis XV, Mobilier.