Par Galerie Lamy Chabolle
Mobilier et objet d'art des XVIIIe, XIXe et XXe siècle
Christofle et Cie.
Coupe kylix du trésor d’Hildesheim,ornée d’une Minerve en relief.
Cuivre argenté et doré.
H. 8 – D. 32 cm.
1868.
Coupe de forme kylix ornée d’une figure de Minerve en haut relief, dont le péplos, le casque, le bouclier, l’araire et la montagne portant une chouette lui faisant face sont dorés. Le pourtour est orné de frises de perle, de rais-de-cœur et de palmettes. Les prises ouvragées sont ornées d’un relief de fleurs et le revers présente également un décor de palmes argentées et dorées en alternance avec un motif de palmette sur les prises.
L’archéologue François Lenormant, l’un des premiers commentateurs français du trésor d’Hildesheim, commentait ainsi notre coupe, en 1869, dans la Gazette des Beaux-Arts :
“La pièce capitale est la délicieuse coupe dont l’emblema présente une figure de Minerve assise sur un rocher. Vêtue d’une longue tunique et du péplos, coiffée d’un ...
... casque à triple aigrette, la déesse est représentée sous son aspect pacifique, comme protectrice des arts utiles à l’humanité; tandis qu’elle s’appuie du bras gauche sur son bouclier, elle étend la main droite sur un objet où M. Wieseler a très ingénieusement reconnu l’araire [...]. Sur un rocher, en face d’elle, on voit la chouette, son oiseau favori, et une couronne faite avec le feuillage de l’olivier.”
. (Lenormant, 1869, p. 415 ss.)
Quant aux fac-similés de Christofle, grâce auxquels ces coupes, jalousement gardées aux Musées de Berlin, ont pu être appréciées dans le reste de la France et de l’Europe?:
[Mais] pendant un certain temps nous n’avons connu en France la découverte d’Hildesheim que par l’écho du retentissement immense qu’elle avait au-delà du Rhin, par les descriptions volontairement incomplètes […], et par d’assez mauvaises photographies publiées à Berlin d’après des moulages en plâtre. Il n’en est plus de même aujourd’hui. Les admirables reproductions que vient d’exécuter la maison Christofle et Cie, et qui figurent actuellement à l’exposition de l’Union centrale des Beaux-Arts appliqués à l’industrie, vont populariser dans notre pays les vases trouvés dans le Hanovre. (Lenormant, p. 408 ss.)
La qualité du travail mené par l’orfèvre français ne manque pas d’être soulignée par le redacteur :
“Conformément à un usage assez habituel aux ciseuleurs antiques [...] toutes les parties sont dorées au feu, à l’exception des chairs de la déesse, pour lesquelles ont a reservé la couleur naturelle de l’argent. Cette polychroimie sort de nos habitudes; mais, restituée avec son éclat primitif dans les copies de M. Christofle.”
Le «?retentissement immense?» dont parle François Lenormant, c’est celui que précipita la découverte, en 1868, à Hildesheim, d’un immense trésor de vases et coupes de l’époque romaine. Un autre archéologue français, le grand professeur Salomon Reinach, membre de l’Académie des Inscriptions, conservateur au musée de Saint-Germain et professeur à l’École du Louvre, raconte ainsi l’histoire du Trésor d’Hildesheim?:
Cette belle collection de vases d’argent a été découverte le 17 octobre 1868 au sud-est de Hildesheim, au lieu dit Galgenberg. Napoléon III essaya, dit-on, de l’acquérir ; mais la trouvaille entière, après avoir été moulée, fut achetée par le Musée de Berlin le 17 septembre 1869. (Reinach, 1909, p. 157)
Ce trésor avait été découvert alors qu’un «?détachement de soldats prussiens était occupé à aplanir l’emplacement destiné à un tir, au sommet d’une élévation de terrain, sur le versant ouest du mont Galgen [en allemand Galgenberg], à la porte d’Hildesheim.?» (Lenormant, p. 409)
L’intégralité du Trésor avait été, quoique prestement, habilement rangé?: les vases et coupes les unes dans les autres, comme des poupées gigognes?; plus précisément?«?deux plus grands vases étaient retournés et, formant cloche, recouvraient tous les autres, entassés pêle-mêle.?» (Lenormant, p. 409).
Entassés pêle-même, parce que, selon l’hypothèse allemande d’alors, et que le grand historien allemand Theodor Mommsen, prix Nobel de Littérature en 1902 — ni d’ailleurs Salomon Reinach — ne considérait comme inconciliable avec la réalité archéologique des faits?; le Trésor d’Hildesheim était constitué de l’argenterie de l’état-major romain du célèbre Varus, défait à la bataille de Teutobourg par les Chérusques d’Arminius, en 9 ap. J.-C. (cf. Charles Picard, 1949, p. 194)
En Basse-Saxe, près de la forêt de Teutberg, réputée comme le lieu où les légions de Varus furent anéanties par les Germains dirigés par Arminius, s’écoule la Visurge. Ce cours d’eau traverse Brême avant de se jeter dans la mer du Nord, mais passe auparavant non loin d’Hildesheim. L’hypothèse allemande d’alors était donc la suivante?: dans l’imminence de la défaite, ou dans la confusion l’ayant suivie, un détachement des légions d’Arminius aurait enterré précipitamment, mais avec soin, un si précieux trésor de vases et coupes en argent. Et ils l’auraient caché non loin d’une montagne reconnaissable, espérant sans doute qu’ils soient un jour découverts et que le trésor retombe entre des mains romaines.
Cette hypothèse, si romantique, passerait pour une légende, si Hildesheim n’était pas en effet «?bien loin en dehors des lignes d’occupation les plus avancées des Romains, en pays purement germain, sur le territoire des indomptables Chérusques » (Lenormant, p. 410) Rares sont en effet les légions romaines ayant pénétré l’Allemagne jusqu’aux alentours d’Hildesheim.
Cette édition du trésor d’Hildesheim par la maison Christofle est un incontournable, tant pour les passionnés d’antiquité romaine que pour les amoureux du savoir-faire français.
Sources
François Lenormant, « Le Trésor d’Hildesheim », dans La Gazette des Beaux-Arts, t. II, 2, 157?, Paris, jui. 1869.
Salomon Reinach, Répertoire de reliefs Grecs et Romains, t. I, « Les Ensembles », Paris, 1909.
Charles Picard, « La date du « Vase d’Alésia » », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 93e année, n° 3, 1949.
Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XXXV, L.