Indépendamment de quelques acceptations toutes spéciales, le mot buffet a servi à désigner, d'une façon courante, des objets fort différents d'origine et d'usage, mais présentant cependant entre eux un lien facile à saisir.
Tout d'abord, le buffet est un meuble fixe, du même genre que l'armoire, et qui semble, aux auteurs du XIVe siècle, indispensable à toue installation confortable.
Mais, si l'on est d'accord sur son utilité, sa forme, par contre, est moins facile à déterminer.
Parfois, il se compose simplement de tablettes superposées, soutenues par des colonnes surmontées d'un sorte de dais; alors, il a presque l'aspect d'un dressoir et se confond avec lui.
D'autres fois, on lui adjoint un coffre qui, porté sur des colonnettes, sert lui-même de base aux étages successifs qui, se dressant en pyramide, sont destinés à l'étalage de la vaisselle de prix. C'est ce qu'on appelle, dans le language du temps, un buffet avec armoires, terme très fréquemment employé dans les anciens inventaires.
buffet deux corps à retrait Louis XIII
Petit buffet deux corps
Si le buffet avait été seulement admis dans la pièce réservée aux repas, nous nous trouverions, grâce à ces descriptions, en présence d'un type de meuble stable et facile à définir. Au bas, un plancher reposant sur quatre pieds ou boules; au premier étage, un corps d'armoire ouvrant à un ou plusieurs guichets; enfin, au-dessus de l'armoire, soit une tablette sur laquelle on peut placer les flacons, plats, etc... soit une étagère à plusieurs degrés.
Mais au XVe, pas plus qu'au XVIe siècle, il n'y avait , dans les habitations les plus distinguées, de salle à manger proprement dite. Les bourgeois mangeaient dans la cuisine. La plupart des seigneurs, et même les plus hauts personnages, prenaient leurs repas dans la chambre ou ils reposaient. Et la présence du buffet dans la chambre à coucher de cette époque entraînait son adaptation à des usages assez éloignés de la table et de son service.
Ajoutons que, le plus souvent, le buffet de chambre avait une parure plus en harmonie avec sa destination première. Conséquence naturelle de son admission dans cette pièce, le buffet dut se plier à de nouveaux services et prendre un forme plus compliquée. Il multiplia les "layettes" ou tiroirs, ou encore il se couvrit de sculptures gracieuses ou fantasques, et finalement revêtit cette forme qui, à travers des vicissitudes assez nombreuses, est parvenue presque intacte jusqu'à nos jours.
Mais, il ne faut pas l'oublier, le caractère essentiel du buffet, au XVIe et XVIIe siècle, ce qui doit le distinguer encore, c'est qu'il participe plus ou moins directement du dressoir.
Au XVIIIe siècle, le buffet subit une éclipse passagère. Pendant un temps assez court, il disparut des intérieurs parisiens. on avait fabriqué des Bas de Buffet dont la forme était à peu prés identique à celle des bas d'armoire, également en vogue. Un écrivain de cette époque , Sobry, dans son livre de l'Architecture, constate, dans les termes qui suivent, cette révolution momentanée: "Les buffets sont des meubles de réfectoire, ou l'on étale des vases riches propres aux festins. L'usage de ce meuble commence à cesser en France, quoique tous les peuples étrangers le gardent. Peut-être y reviendrons-nous. En attendant, nous nous servons de buffets à hauteur d'appui, couverts de tables de marbre ou l'on entrepose les plats." Réduit à ces dimensions modestes, le buffet avait trouvé asile même chez les plus élégantes.
Buffet de chasse
Buffet Louis XVI
Au XIXe siècle, le bas de buffet, à son tour, a presque disparu et suivant la prédiction de Sobry, ce meuble affecte de nouveau la disposition qui le rapprochait de l'ancien dressoir. Soit qu'il surmonte son corps inférieur d'une étagère ornée de trois ou quatre tablettes, soit qu'il se complète par un corps supérieur presque toujours vitré, laissant voir la vaisselle plate ou montée, disposée en bel ordre, sa destination première est redevenue bien apparente. Enfin, dans ces derniers temps, on a eu l'idée dé séparer le corps du bas de celui du haut par un espace libre, dans lequel on peut introduire les plats et les bouteilles. Cet espace libre, qui aide beaucoup au service de la table, et qui se nomme Cave, constitue une innovation plus heureuse que, les salles à manger du XIXe siècle étant fort étroites, les buffets sont forcément tenus par les ébénistes aussi plats que possible.