La mesure du temps est une obsession qui a toujours occupé la pensée de l’homme. La pendule a été créée dans la recherche de cette volonté de le matérialiser. Dans ce domaine, la seconde moitié du XVIIIème siècle est marquée par un vent de créativité qui s’empare des horlogers comme des bronziers et mène à une production particulièrement féconde. Les pendules Louis XVI présentent un éventail presque infini de modèles, avec, pour les plus demandés, un nombre incroyable de variantes : « en borne », « en cage », « en obélisque » ou encore « en portique » - qui donne son nom à la pendule portique.
Créée sous le règne de Louis XVI, la pendule portique résulte de recherches portées à la fois sur l’esthétique et le perfectionnement technique. Modèle à succès, la pendule portique a beaucoup été déclinée. L’Etat général des pendules, cartels et horloges appartenant au Roy et au Garde-Meuble de la Couronne atteste de cette diversité. Ainsi, les pendules « à la montgolfière », en vogue suite aux premières ascensions effectuées à Versailles en 1784 en présence de la cour, peuvent être considérées comme des pendules portique. Soutenu par des colonnes, des consoles, voire des volutes de nuages, le ballon enserre le cadran, tandis que dans la nacelle s’agite un ou plusieurs aéronautes, ou parfois un amour. Pseudo-portiques encore, quelques pendules au mouvement porté par de grands rinceaux de feuillages sont créées en forme d’un petit temple de l’Amour ou évoquent une pagode chinoise, avec ou sans personnages. Au nombre de ces œuvres, une poignée, rarissimes et très recherchées des collectionneurs, reposent sur une boîte à musique et peuvent comporter des automates.
A l’origine, la pendule est un instrument scientifique réservé à quelques privilégiés. Connu sous le nom d’horloge à pendule puis pendule en référence au système de Galilée, sa première forme, celle du cadran à horaire, remonte à l’antiquité. L’ingéniosité de son mécanisme tout comme la richesse de son ornementation la considère le plus souvent comme un objet de curiosité et de prestige. En outre, la pendule reflète l’évolution du goût et des modes et par conséquent des styles. Elle s’inspire parfois de quelques événements historiques, ou encore d’une anecdote ou d’une œuvre littéraire. Sous Louis XVI, la pendule portique est un exemple du genre - vraie architecture miniaturisée à l’image des temples gréco-romains, conséquence de la vogue néo-classique qui souffle sur l’Europe suite aux découvertes des sites archéologiques d’Herculanum et de Pompéi.
Le principe de la pendule portique est simple et s’appuie sur une conception rationnelle de l’architecture que l’on retrouve dans les temples grecs et romains : une base, deux colonnes ou deux pilastres et un entablement. Le cadran s’insère au centre de l’entablement, ou, plus rarement, le surmonte. Il y a tout de même matière à toutes sortes de fantaisies. Les colonnes peuvent être lisses ou cannelées, surmontées ou non de chapiteaux corinthiens, ou encore entrelacées d’une spirale de lauriers. De deux, on passe parfois à quatre colonnes. La base se complique alors et s’incurve. Aux colonnes, on substitue des pilastres qu’épaulent fréquemment une console en volutes, parfois une double console. Pour orner la face des pilastres, on plaque des demi-colonnes ou encore des gaines à bustes de jeunes femmes – grecques ou égyptiennes. Les colonnes et pilastres s’ornent également de personnages mythologiques ou de femmes drapées à l’antique qui symbolique quelque activité artistique. Dans un type très original de pendule portique, le mouvement n’est plus supporté par l’entablement, mais est, en quelque sorte, suspendu entre deux supports verticaux : colonnes ou plus souvent obélisques. Le cadran émaillé est alors couronné d’une pyramide, d’un vase ou encore d’une figure, celle de Mars ou de Minerve notamment – les allégories guerrières étant alors très appréciées. Les aiguilles des cadrans restent ajourées et découpées mais elles sont également ornées de motifs néo-classiques, tout comme les balanciers lorsqu’ils sont visibles.
Si la variété des pendules portique dépend en grande partie de sa structure, son répertoire ornemental ne présente pas moins de diversité. Vases, urnes à l’antique, feuillages et rinceaux, torses et guirlandes de lauriers, masques irradiés, amours, sphinges ailées, aigles et lions constituent leur parure habituelle. Le choix des matériaux et de leurs coloris est également un choix réfléchi : bronze doré ou patiné, marbre blanc ou de couleur, voire médaillons de porcelaine de Sèvres ou de biscuit de Wedgwood alors en grande vogue que les fabricants de pendules et objets d’ameublement savent employer et associer avec la plus grande maîtrise. Le marbre et le bronze restent les plus associés, le premier pour la structure et le second pour l’ornementation.
Sous le Consulat et l’Empire, ce style néo-classique se mélange à de nouvelles influences stylistiques. Pour célébrer le retour victorieux de Napoléon sa campagne égyptienne, le décor de bronze de la pendule portique va alors s’enrichir de motifs inspirés de l’Egypte. Les modèles d’époque Empire sont généralement plus sobres dans leur décor et de dimensions moins importantes. On délaisse le marbre au bénéfice du bronze. Sous la Restauration et notamment sous le règne de Charles X, des modèles de pendules portique plus simples se développent, réalisés en bois et placage de bois. Livrées à l’origine sous leur cage de verre bombée, elles sont rares aujourd’hui à l’avoir conservé. Prisée, la pendule portique reste très employée jusqu’à la fin de l’époque Restauration.
Parmi les horlogers les plus réputés de l’époque, on cite Le Roy, Jean-Antoine Lépine (horloger du Roi et du Garde-Meuble de la Couronne – maîtrise en 1762) ou encore Abraham Louis Breguet (1747-1807 – maîtrise en 1784). Originaire de Suisse, Breguet livre de nombreuses montres et pendules à la famille royale et à l’aristocratie. Il possède également une très grande clientèle étrangère après la Révolution. Il fonde en 1775 la maison d’horlogerie Breguet à Paris.