À cette occasion, le musée de la Nacre et de la Tabletterie présente à ses visiteurs deux éventails jamais exposés auparavant et signés de la main de Georges Bastard : "Les pommes de pin", vers 1910, éventail brisé en corne et nacre ; "Le treillis", éventail brisé en nacre de burgau gravé et teinté. Sans oublier des pièces de grande qualité, aux montures finement sculptées, en nacre, ivoire ou écaille, provenant de collections privées européennes.
Sculptés, gravés, appliqués de feuilles d’or ou d’argent, parfois rehaussés de pierres précieuses, les brins soutiennent la feuille, la protègent et la subliment, ils se déploient l’un après l’autre pour découvrir leur décor.
Paris, capitale de la mode et de la femme élégante, vibre par le génie de ses grands artisans. À la fois objet d’art et accessoire de mode, l'éventail appartient à cet imaginaire. En quête de cet indispensable, les femmes sont reçues dans les grandes maisons. De boutique en boutique, dans le quartier de l’Opéra, elles s’émerveillent devant la beauté des peintures, et sont séduites par le raffinement des sculptures de nacre, d’écaille ou d’ivoire. Entre leurs mains s’exprime la virtuosité des tabletiers de l’Oise.
Pour la plupart restés dans l’ombre, les artisans de la région de Méru contribuent au rayonnement des arts décoratifs français. S‘ils sont plus connus pour la fabrication des boutons ou des dominos qui ont fait leur réputation, l’histoire a négligé leur talent pour l’éventail. Leur ingéniosité et leur savoir-faire magnifient des matières rares et précieuses venues de pays lointains. L’Afrique, l’Inde et les îles paradisiaques s’invitent dans leurs ateliers pendant près de trois siècles pour faire de ce centre de tabletterie le premier de France, d’Europe, et certainement du monde.
L’éventail, matières d’excellence, rend hommage au savoir-faire de ces artisans. Plus d’une centaine d’éventails depuis le début du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours mettent en lumière leur maîtrise et leur créativité. Objets précieux et fragiles, ils cultivent le secret. Le deuxième volet de l’exposition terminé, nombre des éventails présentés jusqu’en avril ont retrouvé l’ombre de leurs écrins. L’ambition de conservation explique cette obligation de renouvellement… pour le plus grand plaisir des amateurs ! Dès aujourd’hui, les vitrines accueillent de nouveaux pensionnaires. Certains illustrant les dernières acquisitions du Musée de la Nacre dont quelques exemples emblématiques de la fabrication des ateliers de la région de Méru.
Le musée présente dans ses salles d’exposition temporaire une centaine d'éventails, de documents et d'objets d'art issus de ses réserves, ou empruntés au musée de l’Eventail-Hervé Hoguet à Paris ainsi qu'auprès de nombreux collectionneurs particuliers. Compte tenu de la durée exceptionnelle d’exposition, et afin d’assurer la conservation des œuvres, les éventails ont été remplacés en janvier puis en avril par de nouvelles pièces de qualité semblable. En trois mouvements majeurs, le parcours met en lumière le travail des artisans tabletiers de l’Oise pour l’éventail. La matière est au centre de cette découverte. Telle une invitation au voyage, le visiteur découvre le XVIIIe siècle, siècle d’or de l’éventail en Europe. Sous le règne de Louis XIV est fondée la communauté des éventaillistes qui fait travailler les tabletiers de la capitale, et délègue une partie de la fabrication dans l’Oise. Mais c’est véritablement la seconde moitié du XIXe siècle qui fera les grandes heures de la tabletterie pour le canton de Méru.
Avant de vibrer dans les mains des femmes, l’éventail naît de multiples talents. Chacun pense au peintre qui exécute le décor de la feuille, mais le rôle du tabletier est tout aussi fondamental. A partir de matériaux bruts, os, bois, corne, ivoire, écaille ou nacre, chaque brin est travaillé, façonné, sculpté, repercé et enrichi. Les meubles de métiers présentés témoignent de ces techniques et de ces étapes aussi minutieuses que laborieuses. Prêtés par le musée de l'Eventail-Hervé Hoguet, ils proviennent des ateliers de Marius et Hervé Hoguet, tabletiers établis à Sainte-Geneviève.
Chacune des principales matières ayant inspiré les tabletiers-éventaillistes de l’Oise est présentée. L’os, la corne et le bois bien évidemment, mais aussi l’écaille, l’ivoire et la nacre, fleuron du musée. Blanche, noire de Tahiti, goldfish ou burgau, mais aussi nacres teintées illustrent la très grande variété des nacres façonnées pour l’éventail au XIXe siècle. Le raffinement des décors et la richesse de sculpture ou de gravure soulignent la virtuosité de ces artisans discrets dont les œuvres ont rejoint les vitrines des grandes maisons de luxe parisiennes, comme les boutiques du monde entier : 90 % de la fabrication étant alors exportée.
L’homme est le maître de la matière. Les premiers ouvriers, issus du milieu agricole, apprennent à maîtriser les outils de tabletterie au XVIIIe siècle. Le temps fait son œuvre et les meilleures mains développent un savoir-faire de plus en plus recherché. La créativité et les inventions nécessaires dans ce domaine dédié au luxe et à la mode conduisent à des innovations techniques mais aussi décoratives. Les éventails se dotent de mécanismes extraordinaires comme les systèmes optiques, les ouvertures automatiques, ou de formes nouvelles: "sultane", "ballon". Les courants artistiques sont une source continuelle d’inspiration et d’émulation.
En point d'orgue, l’exposition met en valeur les œuvres des ouvriers devenus artistes. Un village, Andeville, juste à côté de Méru, se distingue comme un vivier de sculpteurs dès les années 1850.
Les noms de plusieurs d’entre eux résonnent encore aujourd’hui comme symbole d’excellence : Jules Vaillant, Louis-Honoré Henneguy, et certainement le plus célèbre d’entre eux, Georges Bastard. Issu d’une lignée de tabletiers, il a fait de la matière, en particulier la corne et la nacre, les sources de son inspiration.
Artiste décorateur, ses œuvres ont suscité les éloges de ses contemporains et lui ont offert l’opportunité d’expositions et de collaborations avec les plus grands comme Jacques-Emile Rulhmann ou Edgar Brandt.
Commissaires de l'exposition
Georgina Letourmy-Bordier, Docteur en Histoire de l’Art, spécialiste de l’éventail
Sylvain Le Guen, Maître d'Art tabletier-éventailliste
INFORMATIONS PRATIQUES :
Musée de la Nacre et de la Tabletterie
51, rue Roger Salengro | 60110 Meru
Dates : Du 1er mai au 31 août 2016