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Au milieu du XVIIIe siècle, la mode est à l’exotisme. L’arrivée des vases de porcelaine fines ou encore des soieries aiguisent la curiosité des européens. Cette vague - qui engendre vers 1740 des décors emplis d’humour et de fantaisie – profite grandement aux marchands-merciers qui importent de ces contrées éloignées des meubles en laque, découpés par les ébénistes de l’époque pour le placage de leurs ouvrages. Parmi ces meubles laqués, le laque du Japon est sans conteste le plus précieux.

Les meubles en laque du Japon : des modèles de grande qualité

Un meuble en laque que l’on appelle aussi un laque, désigne un meuble réalisé avec de la laque. La laque japonaise est préparée à partir de la sève de l’arbre à laque, Rhus vernicifera, arbre de la famille des Anacardaciées, qui possède une substance très nocive. Cette sève résineuse naturelle est ainsi appliquée sur le bois par couches successives très minces. La qualité de la laque est déterminée par son nombre de couches. Les produits, chimiques ou naturels que l’on y incorpore, donnent sa couleur à la laque. Pour les laques du Japon, on distingue ensuite plusieurs techniques de décors : le décor sculpté que l’on appelle guri, le décor à l’or avec pour les plus connus les décors hiramaki-e et takamaki-e qui jouent sur l’intensité du relief.

Détail d'un cabinet du 17eme
Cabinet 17e siècle en laque du Japon, Jean-Marie Chapuis © Anticstore

Les meubles habillés d’un « vernis-laque » révèlent, dès l’Antiquité, en Chine et au Japon, un immense succès. La qualité protectrice de la laque, sa durabilité, toutes deux extrêmement appréciées, lui confèrent un atout de taille. Au-delà, la brillance des laques japonais et la délicatesse de leurs décors dorés les rendent appréciées non seulement dans leur pays mais également en Europe où elles deviennent l’objet d’un commerce fécond. Lorenz Lange, dans son Journal de voyage en 1719 accorde ainsi aux laques du Japon une réelle supériorité : « Les plus beaux meubles de vernis », explique-t-il « comme les cabinets, les chaises, les tables, les paniers et autres choses de cette nature, de même que les belles porcelaines viennent du Japon à Pékin ». Quelques années après lui, le suédois Thunderg remarque encore en 1776 que « les ouvrages vernissés du Japon sont bien supérieurs à ceux de la Chine et du Siam, et conséquemment à tout ce qu’on fait de mieux dans en ce genre dans les autres pays. On y emploie les bois de cèdre et de sapins plus fins, qu’on enduit d’un vernis excellent qui coule abondamment d’une espèce de sumac… ».

L’époque

Les français découvrent les laques du Japon à la fin du XVIe siècle, lorsque les premiers délégués religieux et les marchands européens réalisent leurs escales sur les îles de Kyûshû. Le marché parisien, malgré la quasi-inexistence d’une Compagnie française des Indes orientales au XVIIe siècle, offre ainsi, dès les années 1660, des laques japonaises, grâce à l’extension du marché hollandais. Pour répondre à la demande européenne, les artisans orientaux produisent rapidement des meubles spécialement réalisés pour l’exportation, selon les normes des demandeurs. Dès lors, les laques de l’époque Edo (1603-1867) sont influencées par les goûts européens en ce qui concerne les formes et les décors. Les premiers meubles que l’on appelle au Japon Namban ou « Barbares du Sud » sont des meubles de laque de deux types différents : les coffres au couvercle bombé et les cabinets à tiroirs, souvent munis d’un abattant, aux décors en laque sombre très épais ou incrusté de nacre. Destinés au marché européen, les artisans locaux insèrent parfois dans leur décor des personnages européens, le plus souvent portugais ou hollandais. Parfaitement intégrés au décor dans les demeures des plus riches, on les pose sur une table ou un socle européen généralement en bois doré, plus rarement en bronze. Au XVIIIe siècle, les laques du Japon sont extrêmement recherchées par les plus grandes cours d’Europe et c’est alors de manière fréquence qu’on les retrouve dans les demeures royales et princières. C’est réellement vers 1740 que l’on réalise des panneaux de laque du Japon sur du mobilier européen et notamment sur des commodes. Les cabinets et les coffres sont alors exploités comme des greniers à panneaux que l’on dépouille pour fournir plusieurs commodes, bureaux ou encore cabinets. Des panneaux de bois laqué à décor de laque d’or sont ainsi assemblés sur des commodes Louis XV. Sous Louis XVI, les ébénistes Carlin et Weisweiler incorporent à leurs meubles des bois laqués du Japon.

Commode de Martin Carlin
Martin Carlin, Commode en ébène et laque du Japon, vers 1785, XVIIIème siècle © Musée du Louvre

Les caractéristiques des décors en laque du Japon

La Chine et le Japon ont développé à travers les siècles une multitude de techniques de laque. Si la connaissance du travail de la laque est au XVIIe siècle assez vague, elle se perfectionne considérablement tout au long du XVIIIe siècle. Le laque du japon se distingue par son panneau à fond noir en général avec motif de pagode et de feuillages. Ce matériau présente un réel atout pour le meuble qui est qu’il ne bouge pas avec le temps. Il se tend mais ne se craquèle pas. La composition japonaise est quasiment tout le temps en diagonal en général et dans les détails.

Si la laque du XVIIe siècle se caractérise par ses décors incrustés de nacre, le XVIIIe siècle est marqué par des laques au décor d’or sur fond noir. Le style des panneaux est alors un style plus pictural : un paysage, agrémenté de montagnes, pagodes, arbres, rivières et parfois des personnages en relief, se dégage sur un fond noir. Les décors peuvent être enfermés dans des formes de cœur. Si les paysages forment la partie la plus large des répétitions, des décors où évoluent des magots sont également réalisés à plusieurs reprises avec de légères variantes.

Commode de BVRB
Bernard Van Risen Burgh II, Commode en chêne et laque du Japon, 1737, XVIIIe siècle © Musée du Louvre

Sous la période de Transition, entre les règnes de Louis XV et Louis XVI, les laques continuent d’être employés sur des meubles ornés de bronzes néoclassiques, très lourds et dans des encadrements d’ébène, un bois qui sera à la mode sous Louis XVI. Sous Louis XVI, on continue à faire des meubles en laque sublime avec des bois exotiques.

Quelques ébénistes maîtres du mobilier en laque au XVIIIe siècle

Bernard Van Risen Burgh II

Bernard Van Risen Burgh II (vers 1700-1766) – maîtrise obtenue en 1735: Ebéniste renommé, Bernard Van Risen Burgh II travaille principalement pour une riche clientèle ainsi que pour la famille royale, le plus souvent par le biais de marchands-merciers renommés comme Simon Philippe Poirier ou Lazare Duvaux. Il ne signe ses meubles que par ses initiales et ne consacre sa carrière qu’aux meubles de grand luxe dans l’esprit rocaille qui caractérise le règne de Louis XV. Bernard II réalise des meubles de tout genre : des commodes, des bureaux plats ou de pente, des encoignures ou encore des petites tables, tous dans un goût sublime qui cadre avec les belles demeures royales. Ses œuvres révèlent de superbes qualités de fabrication et des marqueteries soignées et des motifs de bronzes caractéristiques de sa production. Les bâtis de ces meubles sont en chêne, plus rarement en sapin. La manière de Bernard II est également empreinte par ses décors de laque et de vernis, alors que les laques d’Extrême-Orient sont en pleine vogue. L’ébéniste se tourne vers les panneaux précieux de laque noir et or du Japon ainsi que vers les laques de Coromandel qui viennent recouvrir ses meubles galbées. On y retrouve également les bronzes rocaille qui encadrent et compartiment soigneusement les décors. La laque du Japon est notamment visible sur différents bureaux de l’ébéniste, sous forme de panneaux, mais aussi sur des encoignures élégamment décorées.

Pierre Roussel

Pierre Roussel (1723-1782) – maîtrise obtenue le 21 août 1745 : Ebéniste renommé, Pierre Roussel laisse à la fin de sa vie une grande production, diverse mais de très belle qualité. Fils d’un compagnon ébéniste, il tisse sa carrière et sa notoriété depuis la rue de Charenton et son enseigne au nom évocateur « L’Image de Saint-Pierre ». Il est de fournisseur de nombreux grands du royaume et collabore avec l’ébéniste et marchand Pierre Migeon. Les meubles de Roussel couvrent tout le XVIIIème siècle et ses styles successifs, du style rocaille au néoclassicisme. Au nombre des meubles réalisés, toujours de manière très soignée et raffinée, on retrouve des ouvrages en placage de bois de rose et de bois de violette mais également sur quelques-uns des décors de laque du japon et de vernis européens qui représentent des scènes de vie et des paysages dans le goût de l’Extrême-Orient, ornées de bronze.

Le mobilier en laque du Japon au XVIIIème siècle

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