Johann Melchior Kambly apprit dans sa jeunesse la sculpture à Shaffhouse, probablement auprès d'un oncle maternel, J.J. Shärer, qui avait un atelier dans cette ville; puis, voulant cultiver toutes ses aptitudes, il pratiqua la ciselure, l'ébénisterie, les mosaïques et incrustations à la mode florentine. Vers l'âge de vingt-sept ans, il quitta la Suisse pour parcourir l'Allemagne et, en 1746, se mit au service de Frédéric-le-Grand, qui faisait fleurir dans ses États les industries et les arts. Nommé sculpteur royal, Melchior Kambly prit une large part à l'embellissement des palais de ce monarque. Il les orna d'une quantité d'ouvrages taillés dans la pierre et le bois, revêtit plusieurs salons avec de splendides lambris en cèdre que relevaient des appliques de bronze, et garnit ces demeures de meubles somptueux entièrement façonnés sous sa conduite.
Outre ses fournitures pour l'ameublement du roi de Prusse, Kambly exécuta des cadres, des tables, des boîtes d'horloges que ce souverain offrit au sultan Mustapha III en 1752; il créa encore de précieuses ébénisteries destinées à la reine Louise-Ulrique de Suède.
Les oeuvres de cet artiste sont, de toutes les productions du rococo allemand, celles qui se rapprochent davantage de notre style Louis XV. Sans avoir jamais travaillé en France, ni probablement sous la direction d'un de nos compatriotes, Kambly savait reconnaître la supériorité de nos dessinateurs, de nos ébénistes, de nos bronziers, et montrait une louable ambition de se rattacher à leur école.
Dès son arrivé à Berlin, il avait commencé par reproduire un bel ouvrage français que possédait le roi Frédéric. Cette pièce, attribuée aux fils de Boulle, est un cartonnier de bureau en écaille noire, richement orné de motifs à rocailles et de figures allégoriques. Le maître s'en inspira plus tard pour composer beaucoup de ses meubles, s'efforçant de rappeler, dans leurs formes allongées ou élargies, les contours caractéritiques de ce modèle. Néammoins ses constructions trahissent nettement le goût d'un étranger. Trop souvent leur ampleur massive, l'exagération de certaines lignes, la mollesse des galbes leur prêtent un aspect lourd et flasque. Elles rachètent ce défaut par l'élégance de leur parure. Habile sculpteur, Kambly prodiguait sur ses ouvrages des ornements d'une fantaisie et d'une diversité charmantes. Pour ses travaux de bronze, il s'était adjoint le fondeur Schwitzer, natif de Strasbourg, et un doreur français nommé Morel.