Issu d’une famille de menuisiers en sièges parisiens, Nicolas Heurtaut est présenté par ses contemporains comme un homme plein de vie et d’idées. Fils du maître sculpteur et membre de « l’Ecole d’enseignement théorique de la Communauté des maîtres peintres et sculpteurs » Claude Heurtaut et de Marie-Charlotte Lhorloger. Il est aussi l’époux de Marie-Geneviève Destrumel, fille du maître menuisier Guillaume Antoine Destrumel. Il se tourne d’abord vers la sculpture et intègre en 1742 l’Académie de Saint-Luc – nouveau nom donné à l’Ecole de son père. C’est sous cette profession et jusqu’en 1753 qu’il exerce rue de Neuve-de-Cléry sous l’égide des plus grands menuisiers de l’époque comme Claude Sené ou encore les frères Nicolas et Jean-Baptiste Tilliard. Reçu maître menuisier à la Communauté des menuisiers-ébéniste 1753, Heurtaut enregistre finalement ses lettres deux ans après, en 1755 et s’installe rue de Bourbon-Villeneuve dans l’ancienne fabrique de son beau-père, à l’enseigne de « La Bonne Foi ». Par ailleurs, il possède « un chantier » qu’il loue et où il y entrepose son stock de gros bois. En qualité de menuisiers et sculpteurs, il travaille pour des marchands mais aussi des tapissiers. Il réalise également des commandes pour une riche clientèle comme le duc de la Rochefouchault ou le marquis de Villarceaux.
L’œuvre de Nicolas Heurtaut est largement marquée par sa première profession de sculpteur. Véritable sculpture, son ensemble le plus caractéristique se compose d’un canapé à confidents indépendants, de six fauteuils en suite et de quatre fauteuils d’un modèle différent. Il est sculpté de coquilles déchiquetées, de volutes, de palmes, de feuillages et de fleurs. Les côtés du canapé et des confidents s’emboîtent avec précision malgré leurs lignes sinueuses et la complexité de leur décor rocaille. Enfin, les volutes à la base des dossiers s’enroulent vers l’extérieur et celles des pieds vers l’intérieur. A côté de ces chefs-d’œuvre, l’ébéniste réalise aussi des ouvrages moins chargés, notamment des fauteuils dans le goût rocaille. Sa manière évolue dans les années 1760 avec le goût de l’époque ; les lignes et les structures sont allégées, la sculpture est largement diminuée et les coquilles et feuillages à profusion laissent place aux roses et à des feuillages plus modérés. La découpe du dossier et de la ceinture reste souple mais s’étire un peu tout comme le galbe des pieds. Quelques modèles sont seulement moulurés. Heurtaut s’aligne aussi sur le recueil néoclassique qu’il mêle encore parfois avec des motifs du style Louis XV. Il réalise enfin quelques modèles de sièges entièrement dans le style Louis XVI, notamment de solides fauteuils à la reine ou à dossier médaillon sur des pieds en gaine à section carrée.
Un an après son décès, sa veuve vide son fonds de boutique et décide de le vendre le 5 mai 1772 avec les « ustanciles et les marchandises » au menuisier Jean-Baptiste Rémon. Ce dernier résilie son contrat un an après et abandonne ainsi l’atelier.
MUSÉES
- Canapé à châssis - Musée des Arts Décoratifs
- 4 fauteuils "à la reine", Grand Canapé et 6 fauteuils - Musée du Louvre
- Fauteuil - Cleveland Museum of Art
- Salon - Frick Collection (New York)
- Lit - Chateau de Versailles
- Bergère - Ermitage (Saint-Pétersbourg)
BIBLIOGRAPHIE
- Le Mobilier Français du XVIIIème Siècle - Pierre Kjellberg - Les Editions de l'Amateur - 2002
- Les ébénistes du XVIIIe siècle - Comte François de Salverte - Les éditions d'Art et d'Histoire - 1934
- L'art du siège au XVIIIe siècle en france - Bill G.B. Pallot - ACR-Gismondi Editeurs - 1996
- Un Siège à succès de Nicolas Heurtaut - L'Estampille-L'Objet d'Art, n° 284, Octobre 1994, p. 38-47
- L'Art du siège selon Nicolas Heurtaut - Connaissance des Arts, n° 428, Octobre 1987, p. 102-109