Sébastien Erard a pratiqué l'ébénisterie au début de sa brillante carière. Fils de l'artisan Louis-Antoine, il naquit à Strasbourg le 5 avril 1752. Ses parents le destinaient à l'architecture, mais des revers de fortune leur firent abandonner ce projet. Obligé de se vouer à des travaux plus modestes, Sébastien Erard se rendit à Paris dès l'âge de seize ans et se plaça chez un luthier.
Son génie inventif devait s'annoncer bientôt par la création d'un clavecin mécanique qu'il exposa en 1776 dans le cabinet de Pahin de la Blancherie. Ce chef-d'oeuvre attira sur le jeune artiste l'attention des savants et des curieux.
La duchesse de Villeroy l'accueillit dans son hôtel, où il construisit pour sa protectrice le premier piano qu'il ait signé. Il fournit ensuite à la Reine un autre instrument du même genre comportant des innovations remarquables. Son succès provoqua la jalousie des maîtres luthiers, qui le dénoncèrent pour exercice illégal de leur proffession. Les menuisiers lui intentèrent également un procès parce qu'il confectionnait à cette époque les bâtis de ses pianos. « Dans les comptes de la communauté pour l'année 1781, il est fait état d'une amende de 32 liv. 10 sols payée 'par 'le sieur Erard, ouvrier sans qualité, sur lequel a été saisi un piano-forte et deux boites, l'une de menuiserie et l'autre d'ébénisterie' » Erard obtint alors de Louis XVI un brevet de privilège qui lui permettait de faire valoir ses talents, sans crainte de nouvelles poursuites.
S'étant associé avec son frère Jean-Baptiste, il fonda, rue de Bourbon-Villeneuve, une manufacture qui prit un rapide essor et dut être transférée peu après dans de plus vastes locaux, 37, rue du Mail. Quand la Révolution éclata, les frères Erard avaient fait fortune. Pour échapper à la ruine, ils passèrent en Angleterre et ouvrirent à Londres une succursale de leur maison. Sébastien, qui continuait de se signaler par de nombreux perfectionnements apportés au piano et à la harpe, ne revint se fixer à Paris qu'en 1812. Fournisseur de la Couronne dans les dernières années de l'Empire et sous la Restauration, il obtint trois fois la médaille d'or aux Expostions de l'industrie française et reçut ensuite la croix de la Légion d'Honneur. Erard mit le comble de sa renommée en construisant le magnifique orgue des Tuilleries, qui fut malheureusement brisé par la populace lors du pillage de ce palais à la chute de Charles X. Il succomba quelques mois plus tard, le 5 août 1831, en son château de la Muette.