Le règne de Louis XV est marqué par une époque de foisonnement artistique. Si le siècle de son prédécesseur Louis XIV est un règne exclusivement masculin, celui de Louis XV à sa différence est mené par les femmes. Au rang des nombreux sièges réalisés à l’époque, la duchesse brisée leur est ainsi entièrement réservée.
La duchesse est le nom ancien du meuble qui désigne un lit de repos dit « lit à la duchesse ». Au XVIIIème siècle, la duchesse est également une chaise longue à dossier, cousine du canapé (son contemporain), à la mode sous Louis XV. Employée le plus souvent par les femmes, la duchesse se présente comme une bergère, au siège assez profond pour qu’une personne assise puisse y allonger ses jambes. Modèle apprécié, la duchesse, de longueur supérieure à 1 m 60, a été largement déclinée. Au rang des modèles les plus connus, on dénombre le modèle dit « en bateau » ou « à bateau » qui possède toujours deux dossiers avec un dossier peu élevé à l’extrémité du siège. La sultane, lit de repos à deux dossiers est également considérée en 1774 comme une variété de duchesse. Singulière, la duchesse « brisée », siège composite, s’impose elle comme le siège féminin en vogue des années 1745 à 1780.
Le règne de Louis XV est marqué par la présence féminine. Plus affirmées, les femmes règnent sur les salons parisiens, se piquent d’esprit et de philosophie et veillent au confort de leurs invités. Le sens de l’élégance prime. L’époque Louis XV diversifie beaucoup les meubles qui existent déjà mais en invente parfois de nouveaux. Au même titre que les meubles d’ébénisterie, les sièges donnent lieu à de nouvelles créations originales. D’une admirable unité, la composition générale des sièges Louis XV présente une harmonie et une continuité des lignes que l’on ne trouve qu’à cette époque. En effet, tous les profils sont en console, mais toutes les lignes se raccordent avec justesse et aisance. Le plus classique des sièges Louis XV demeure la chaise « à la reine », à assise large, dossier plat et garniture à châssis. A côté, on trouve, tout un ensemble de marquises, de bergères et de duchesses. Parmi elles figure la duchesse brisée.
La duchesse brisée est une chaise longue à dossier cintré. Elle se compose communément d’une bergère associée à un pouf ou de deux bergères réunies par un pouf.
Elément premier de la duchesse brisée, la bergère, apparue à la fin du XVIIème siècle, se présente comme un siège ample, à joues pleines, à savoir à bras non détachés, reliés à la ceinture par une garniture pleine, à dossier développé et à assise basse pour recevoir l’épais carreau, ou coussin, que l’on pose sur un fond sanglé. Dans sa version la plus ancienne, elle est dite à confessionnal parce qu’elle ressemble, avec ses larges « oreilles », aux sièges des confesseurs religieux – demi-guérite percée de jalousies. Sous Louis XV, la bergère « en gondole » se caractérise par un large dossier en arc surbaissé à petits bras. La forme à dossier en corbeille ou en gondole adoptée vers le milieu du siècle est plus harmonieuse et persiste jusqu’au XIXème siècle. Cette dernière est celle que l’on retrouve le plus fréquemment sur la duchesse brisée. La duchesse est également rembourrée ou cannée. Dans le second cas, l’aisance est donnée par des coussins amovibles. Enfin, le pied est plus allongé lorsqu’il n’y a que deux éléments.
La duchesse brisée est un modèle que l’on retrouve dans les années 1925 avec l’Art Déco qui aime à reprendre les formes classiques des styles précédents comme celui de Louis XVI mais qui a également un souci du confort et se dirige en conséquence vers des sièges aux formes profondes.
Jean-Baptiste Boulard (1725-1789) – maîtrise le 17 avril 1755 : Ce menuisier en siège est surtout connu en tant qu’attaché au service du Garde-Meuble de la Couronne, pour lequel il travaille à partir de 1777, c’est-à-dire essentiellement en style Louis XVI. Ces éminentes fonctions, qui lui valent des commandes considérables ne doivent néanmoins pas faire oublier la première partie de sa carrière marquée par toute sa production de style Louis XV. Boulard a ainsi laissé des fauteuils et des chaises galbés de tous modèles, cannés ou garnis de tissu. Peu de signes particuliers sont à retenir si ce n’est une palmette plissée que l’on retrouve assez souvent au sommet des pieds de ses sièges. Quelques grands sièges semblent avoir connu les faveurs de Jean-Baptiste Boulard. On trouve en particulier son estampille sur plusieurs canapés asymétriques que l’on appelle des veilleuses, un siège similaire à la duchesse brisée.
Louis Cresson (1706-1761) – maîtrise le 28 janvier 1738 : Fils du menuisier Jean Cresson, Louis Cresson est reconnu comme le menuisier du prince de Condé et du duc d’Orléans. D’une manière à la fois classique et pleine d’élégance, il réalise tous types de sièges, cannés ou rembourrés d’étoffe, à dossier à la reine ou en corbeille : chaises, larges bergères, chauffeuses, canapés, veilleuses ou encore duchesses. Les galbes raffinés et décors sculptés caractérisent ses sièges. Ils reflètent le répertoire Louis XV, composé de fleurettes, de feuillages et de souples moulures.
Pierre Nogaret (1718-1771) – maîtrise en juin 1745 : Etabli à Lyon, Pierre Nogaret est le plus connu des artisans de province du XVIIIème siècle. Déjà de son vivant, sa réputation de menuisier dépasse largement les limites de sa région. Sa carrière est marquée par une grande production de sièges, de canapés, de lits de repos et d’écrans, similaires par leur haute qualité d’exécution aux meilleurs ouvrages parisiens. De style Rocaille Louis XV, ses sièges, presque toujours en noyer ciré, sont le plus souvent garnis de canne. Pierre Nogaret donne la primauté à la ligne sur le décor. Particulièrement typique, sa manière est celle de la silhouette mouvementée que l’on retrouve sur bon nombre de ses œuvres.